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Chapitre 1 :

       La jeune fille se faufila dans l’entrebâillement d’une porte ouverte, ombre se fondant dans la nuit. Elle s’assit sur les marches du perron, les jambes repliées contre sa poitrine et ferma les yeux pour tenter de faire le vide dans sa tête. Le jour était tombé depuis plusieurs heures déjà et, à mesure que la lumière extérieure avait décliné, l’animation au sein du 12 Square Grimmaurd s’était amplifiée. La rumeur des conversations enflait un peu partout dans la maison, ponctuée de temps à autre par un rire chaleureux et rassurant. Il émanait de ces babillages un bonheur dans lequel la jeune fille ne s’était pas sentie à sa place. Chaque éclat de rire, chaque sourire sur chaque visage lui donnait la sensation d’être prise au piège dans un étau se resserrant un peu plus à chaque instant. Face à cette sensation d'étouffement elle avait fui à la recherche d’un endroit calme. De l’extérieur de la maison toute cette agitation était réduite à rien de plus qu’un brouhaha indistinct emporté au loin par le vent qui soufflait ce soir-là. Le froid agit sur son esprit tourmenté comme un pansement, lui offrant le répit qu’elle était venue chercher.

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       Derrière la jeune fille la porte grinça, laissant apparaître la silhouette d’un homme. Sirius Black vint s’assoir à côté d’elle, étalant nonchalamment ses longues jambes devant lui. Côte à côte ils contemplèrent en silence les étoiles qui s’étendaient à l’infini au-dessus de leur tête. Leurs respirations produisaient une légère vapeur à chaque expiration.

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       - Bois ça, murmura Sirius en tendant à l’adolescente un verre rempli d’un liquide ambré. Ça devrait te réchauffer.

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       La jeune fille ne s’était pas rendu compte que les températures étaient devenues si basses qu’elle tremblait. Elle saisit le verre et hésita un instant à l’idée de boire du whisky pur feu pour la première fois mais elle en avala finalement une grosse gorgée. Le liquide au goût âpre qui lui brûla la gorge et installa dans son estomac une étrange sensation de chaleur.

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       - Promets-moi de ne rien dire à Molly ou je suis un homme mort, sourit Sirius.

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       L’adolescente voulut répondre mais elle ne parvint qu’à produire une grimace coincée à mi-chemin entre le sourire et le sanglot. Elle avait envie de détourner le regard mais Sirius la fixait avec une telle intensité qu’elle ne réussit pas. Les larmes contre lesquelles elle luttait finir par s’échapper et dévaler ses joues.

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       - Je sais que tu as peur Aphrodite. Il n’y a aucune honte à avoir.

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       Pour toute réponse, la jeune fille avala une seconde gorgée de whisky. Il lui semblait qu’il faisait à présent si froid que ses os s’étaient changés en glace. Sirius lui retira le verre des mains avant de lui laisser une chance de boire davantage.

 - On n’échappera pas à une nouvelle guerre, n’est-ce-pas ?

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       Les mots avaient été prononcés si faiblement qu’ils se perdirent dans les hululements d’un hibou au loin. Sirius pourtant les entendit.

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       - Je crains qu’elle n’ait déjà commencé.

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       Sirius avait toujours été le plus sincère des membres de l’Ordre du Phoenix. Il savait qu’aucun des adolescents présents dans sa maison cette nuit-là n’était assez naïf pour ne pas comprendre les dangers à venir. Il ne prenait jamais la peine de leur mentir sous couvert de les protéger. Certaines vérités pourtant étaient lourdes à encaisser et celle-ci se posa comme une enclume sur la poitrine d’Aphrodite. Peu à peu la respiration de la jeune fille se fit plus rapide, haletante. Prise d’une crise de panique, elle se releva et inspira de grosse goulée d’air comme si à tout moment on allait l’en priver. Sirius se leva et attrapa l’adolescente par les épaules l’obligeant à le regarder.

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       -Tu es forte Aphrodite. Vous l’êtes tous. N’en doute jamais. Vous êtes bien plus préparé à ce qui va arriver que nous ne l’avons jamais été James, Remus et moi à votre âge.

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       Ces paroles apaisèrent quelques peu la jeune fille dont le souffle restait encore saccadé. Ses yeux plongés dans le regard bienveillant de Sirius, elle calqua sa respiration sur la sienne et se concentra jusqu’à retrouver un rythme normal. Quelques choses pourtant n’allait pas. Hormis le bruit de leurs inspirations et de leurs expirations, la nuit était silencieuse. L’écho des conversations avait disparu, le vent s’était tut et tous les animaux semblaient avoir cessé leur vie nocturne. Aphrodite se dégagea hâtivement des mains de Sirius et parcourut le peu de distance qui la séparait de la porte d’entrée du quartier général de l’Ordre. Elle espérait entendre un éclat de rire, voir Molly Weasley apparaitre inquiète que deux de ses convives est disparut si longtemps. N’importe quel signe que ce silence inhabituel n’était rien d’autre qu’un autres tours que lui jouait la peur était le bienvenu. Mais rien ne se produisit. Rien si ce n’est un éclair de lumière rouge. L’éclat était si puissant que toutes les formes environnantes se fondirent en une seule et même masse étincelante. Aveuglée, Aphrodite ferma les yeux.

       - Sirius ? Appela-t-elle sans obtenir de réponse.

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       Elle rouvrit les yeux pour chercher l’homme du regard. Le 12 Square Grimmaurd, les étoiles au-dessus de sa tête s’étaient évanouis. La lumière avait disparu laissant place à une obscurité pesante. Elle se trouvait à présent dans une grande pièce rectangulaire bordée de gradins aux marches abruptes. Entourée d’une fosse, une arche en pierre d’où émanait une faible lueur blanche occupait le centre de la salle.

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       Aphrodite allait appeler de nouveau mais sa voix se brisa face à ce qu’elle vit. Sirius était devant l’arche. Son corps était courbé comme celui d’un pantin qu’on vient de jeter et il tombait lentement et gracieusement, happé par halo blanc de l’arcade.

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       - Sirius !

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       Le cri déchirant fendit le silence. Le sien ? Celui de Harry ? De Ginny ? Tout était confus et les voix de ses amis se mélangèrent dans sa tête. Sirius ne pouvait pas avoir disparu. Pas si facilement. Pas alors qu’il venait les sauver de leur comportement inconscient.

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       - J’ai tué Sirius Black ! J’ai tué Sirius Black !

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       Le cri triomphant de Bellatrix Lestrange ramena Aphrodite à la situation présente. Si la mort soudaine de Sirius l’avait paralysée, ce n’était pas le cas des autres. Les sortilèges continuaient de fuser de tous côtés, arrachant des blocs de pierre des gradins lorsqu’ils manquaient leur cible, provoquant l’écroulement de l’adversaire quand l’objectif était atteint. Des sorts passaient au-dessus de la tête de la jeune fille, parfois à quelques centimètres seulement d’elle mais elle restait immobile au milieu de ce champ de bataille. Elle voulait courir se mettre à l’abri mais son corps ne lui obéissait plus, lui intimant de regarder le massacre se produire autour d’elle.

       Une main saisie la jeune fille et l’entraina à l’écart, lui évitant de justesse un sortilège qui allait la toucher en plein ventre. Elle fut poussée dans les gradins par Remus qui disparut aussitôt pour continuer à mener bataille. Aphrodite se tapit du mieux qu’elle put contre le mur espérant disparaître aux yeux de tous. Autour d’elle les Mangemorts disparaissaient dans d’épais nuage de fumée noire pour réapparaître quelques mètres plus loin lançant un sortilège avant de fuir de nouveau. Transplanant d’un endroit à l’autre, cachés derrière leur masque métallique, aucun des partisans du Seigneur des Ténèbres n’affrontait son adversaire avec dignité. La jeune fille devait contempler sans ne rien pouvoir faire les membres de l’Ordre se battre face à la perfidie de gens prétendument supérieur.

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       - Faites face bande de lâches !

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       Face à l’inégalité du combat, Aphrodite n‘avait pas pu retenir sa rage plus longtemps. Seulement son cri, ne rencontrant que le silence, se répercuta en écho sur les murs. Elle se trouvait à présent seule dans la petite pièce du Département des Mystères. Plus aucun de ses amis ne courrait pour se mettre à l’abri, les silhouettes encapuchonnées des Mangemorts avaient disparu et les sortilèges avaient cessé. Oppressée par ce calme soudain, la jeune fille descendit la première marche des gradins dans l’espoir de rencontrer un visage familier. La salle restait inlassablement vide.  Elle descendit une seconde marche. Pas un bruit de pas, pas une respiration, pas une ombre. A la troisième marche, Aphrodite se figea. Dans la fosse, faiblement éclairé par la lumière blanche de l’arche, se trouvait une silhouette sans vie. La longue chevelure rousse ne laissait aucun doute possible de l’identité du corps. Luttant pour ne pas s’effondrer, la jeune fille franchit les mètres qui la séparait du bas des gradins. Chaque pas, révélant une nouvelle victime, devenait plus difficile que le dernier. Arrivée au bord des gradins, Aphrodite s’écroula sous son propre poids. Face à elle s’étendaient d’innombrables masses inanimées parmi lesquelles elle ne reconnaissait que trop de visages.

       - Tu veux faire face ? susurra une voix à son oreille.

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       Le cœur affolé par l’effroi et la surprise, la jeune fille se retourna d’un geste vif. Un Mangemort avait transplané juste derrière elle et la toisait de toute sa hauteur. Une longue chevelure d’un blond presque blanc dépassait de sa capuche et derrière le masque de métal ses yeux brillaient d’un éclat cruel. Aphrodite se leva rapidement pour fuir l’arrivée de cet homme. Elle sauta dans la fosse essayant de ne pas s’attarder sur ce qui s’y trouvait et se mit à courir. Mais il est vain de tenter de s’échapper des griffes d’une ombre. Le Mangemort apparaissait à chaque instant sur son chemin, lui lançant un sortilège avant de disparaître aussitôt. L’homme l’attaquait de face puis s’évanouissait dans un nuage de fumée pour mieux l’attaquer sur le côté, contraignant Aphrodite à toujours changer de trajectoire comme une souris prise au piège.

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       - Confringo !

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       Le sort manqua Aphrodite de peu et vint frapper l’une des marches qui explosa sous l’impact. Le Mangemort se tenait à présent sur sa droite et attaquait sans laisser le moindre répit à la jeune fille. Les sortilèges, bien que la manquant, étaient chaque fois un peu plus proches d’elle et faisaient voler en éclat les gradins. A plusieurs reprises Aphrodite trébucha, ses jambes ne parvenant plus à la porter. Pourtant elle continuait de courir pour échapper aux attaques incessantes. Face à elle, à quelques mètres seulement se trouvait la porte qui menait sur le couloir du département des Mystères. Si elle réussissait à l’atteindre, la jeune fille pourrait fuir. Elle pourrait se cacher dans l’une des nombreuses salles du Ministère et attendre que le tempête passe. Attendre que le jour se lève et que des sorciers regagnant leur bureau la trouve et la sauve.

       - Confringo !

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       La jeune fille se jeta sur le côté pour éviter que le sortilège ne l’atteigne en pleine poitrine et tomba brutalement au sol. Le choc fut d’une telle violence qu’elle en eut le souffle coupé. Son corps resta paralysé alors que le Mangemort approchait d’elle d’un pas lent et triomphant. Se penchant sur sa proie, l’homme retira son masque pour adresser à la jeune fille un sourire carnassier. D’un mouvement de sa baguette, il écarta une mèche de cheveux du visage d’Aphrodite. Une larme roula le long de sa joue. Face à la peur de la jeune fille, le Mangemort éclata de rire.

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       - Tu as perdu de ton aplomb Sang-de-Bourbe.

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       L’homme leva le bras, la baguette tendue vers sa victime. Ses lèvres remuèrent pour prononcer les deux mots qui seraient fatal.

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       - Avada Kedavra !

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